Architectes
De l’art à l’ingénierie, l’architecte naval multiplie les savoir-faire
Dans le monde du nautisme, la majorité des architectes navals travaillent rarement sur les multicoques. Seuls quelques-uns s’y consacrent régulièrement, tandis que d’autres en ont fait leur véritable spécialité.
Voici le nom de quelques architectes qui ont contribué à donner aux multicoques une place à part entière dans l’univers nautique. Cette liste est loin d’être exhaustive : il faudrait un site entier pour rendre hommage à tous ceux qui ont participé à cette révolution. Le progrès dans le domaine des multicoques est le fruit d’un savoir collectif, mêlant l’expérience des navigateurs, des techniciens, des constructeurs et bien sûr des architectes.
Les connaissances sur ces bateaux évoluent chaque jour. Grâce aux avancées dans les matériaux composites, les architectes peuvent désormais concevoir des engins plus légers, plus rigides et plus fiables. Aux navigateurs de maîtriser ces bolides, et aux constructeurs d’innover sans cesse pour repousser les limites du possible.
Farrier Ian
Dans l’univers des multicoques transportables, il est impossible de ne pas évoquer Ian Farrier, architecte naval néo-zélandais visionnaire. Inventeur du système de repliage vertical — où les flotteurs se rabattent sous la coque centrale — il révolutionne la mise à l’eau rapide des trimarans avec son Trailertri 18, lancé en 1976.
En 1984, il cofonde la société Corsair Marine, avec pour objectif de concevoir et de commercialiser le désormais emblématique F27. Corsair Marine deviendra la marque ayant vendu le plus grand nombre de trimarans transportables dans le monde.
En 2000, Ian Farrier quitte l’entreprise pour se consacrer pleinement à la conception de ses propres multicoques. Concepteur, constructeur, mais aussi navigateur passionné, il régate pendant de nombreuses années sur un F27, remportant la majorité des courses auxquelles il participe.
L’architecture des flotteurs, d’abord en V, évolue progressivement vers des formes plus arrondies et volumineuses. Les modèles de régate les plus récents sont même dotés de foils courbes, augmentant leurs performances. La coque centrale, quant à elle, adopte un léger plat arrière afin de faciliter le départ au planning.
Greene Walter
Elève et ami de Dick Newick, Walter Greene s'inspire des plans du Val de Newick pour concevoir sa propre série de trimarans, les A Capella. Il modifie profondément la structure générale du bateau ainsi que le gréement, en intégrant son expérience dans l’aéronautique pour concevoir des unités à la fois plus légères et plus rigides — allant jusqu’à surpasser son mentor.
Dès la première course, c’est un exploit : en 1978, Olympus Photo, un trimaran de la série A Capella skippé par Mike Birch, remporte la première Route du Rhum. Il devance in extremis Michel Malinovsky sur le monocoque Kriter V, avec seulement 98 secondes d’écart à l’arrivée. Cette victoire historique marque un tournant : les multicoques s’imposent définitivement dans le monde de la course au large.
Par la suite, Walter Greene continue à concevoir des trimarans de croisière rapide, restant fidèle à l’esthétique et à l’esprit des créations de Dick Newick, tout en y apportant sa propre signature technique.
Irens Nigel
Nigel Irens est l’un des architectes navals anglais les plus prolifiques dans le domaine des multicoques de course au large. Depuis plus de trente ans, il signe les plans de certains des trimarans océaniques les plus rapides jamais construits. Mais pour Irens, la qualité du dessin ne suffit pas : il suit également de près la construction de ses bateaux, s'assurant qu’ils respectent ses exigences en matière de légèreté, de rigidité et de solidité.
Sa créativité ne se limite pas aux Formule 1 des mers. Visionnaire éclectique, il conçoit aussi bien de grandes unités de luxe que de modestes caboteurs à gréement aurique, alliant toujours performance, élégance et respect des traditions maritimes.
Joubert-Nivelt
Ce duo d’architectes a à son actif plus de 20 000 unités mises à l’eau en 35 ans de collaboration. Le Louisiane 37, premier grand multicoque de série inspiré des voiliers de course, fait figure de révolution. Ce catamaran de croisière, capable de filer à plus de 15 nœuds, ouvre la voie à une nouvelle génération de multicoques performants et accessibles.
De nombreux modèles suivront cette tendance, notamment en France. Les Fountaine Pajot dessinés par ce tandem marqueront à nouveau les esprits, tant par leur esthétique que par des aménagements innovants qui feront référence pour les décennies suivantes : Corneel 26, Maldives 32, Antigua 37, entre autres.
Kelsall Derek
Derek Kelsall, architecte naval néo-zélandais, a développé une méthode de construction innovante sans moule, dite en "flat panel". Cette technique consiste à fabriquer des panneaux sandwich à plat, sur un marbre : seule la peau extérieure est stratifiée dans un premier temps. Ces panneaux sont ensuite cintrés sur des couples pour leur donner la forme désirée, avant d’être rigidifiés par la stratification de la peau intérieure.
Ce procédé présente un double avantage : il permet de gagner un temps précieux lors de constructions à l’unité, tout en réduisant considérablement le travail de finition. Si la méthode peut sembler simple en apparence, elle exige en réalité un dessin pensé dès le départ pour ce type de fabrication.
Acteur majeur du développement des trimarans de course dans les années 1970 et 1980, Kelsall a ensuite décliné cette technique sur une gamme de catamarans de croisière, leur conférant une silhouette reconnaissable, marquée par un léger redan de coque caractéristique. Plusieurs de ses modèles adoptent également une dérive centrale et un safran unique, un choix dicté par la recherche de simplicité, même s’il peut se révéler moins performant en termes de manœuvrabilité et d’efficacité au près.
Langevin Sylvestre
Sylvestre Langevin s’est fait connaître dans les années 1970 pour ses solides monocoques de voyage en aluminium. Mais c’est la victoire d’Elf Aquitaine, barré par Marc Pajot, qui lui apporte la célébrité et la reconnaissance du grand public. Dans les années 1980, ses foilers en aluminium marquent les esprits par leurs performances audacieuses — des unités qui continuent de faire parler d’elles, comme PiR2, auteur d’une superbe Route du Rhum 2014 aux mains d’Étienne Hochédé. Parmi ses créations emblématiques, on retrouve aussi des multicoques de série tels que l’Edel Cat ou le Triagoz, témoins de la diversité et de la modernité de son œuvre architecturale.
Lerouge Erik
Erik Lerouge est l’un des rares architectes navals à concevoir avec autant de maîtrise des bateaux à une, deux ou trois coques, toujours dans le souci d’adapter le design au programme de navigation et au budget du futur propriétaire. Quelle que soit l’architecture choisie, il défend une philosophie fondée sur la simplicité et la légèreté, gages de vitesse, de maniabilité et de sécurité en mer.
Pionnier français du multicoque de série, il marque les esprits dès 1984 avec le Ville d’Audrain 42, un catamaran de croisière visionnaire pour l’époque par sa taille et ses performances. Si ses monocoques se distinguent par leur coque étroite, ses multicoques, eux, adoptent souvent une largeur supérieure à la moyenne, gage de stabilité et de volume habitable.
Le style Lerouge se reconnaît également à ses roofs arrondis, ses fardages contenus, et ses formes fluides, toujours au service de proportions équilibrées. Ses voiliers arborent souvent un mât-aile et un plan de voilure généreux, tandis que les œuvres vives privilégient des formes arrondies pour limiter la surface mouillée et favoriser la vitesse.
Partisan convaincu des constructions en sandwich, il privilégie ce procédé pour obtenir des bateaux à la fois légers et rigides, répondant ainsi à son exigence de performance et de fiabilité.
Lombard Marc
Pionnier des multicoques en France, il s’impose comme un précurseur en introduisant l’utilisation des foils rétractables, bien avant qu’ils ne deviennent la norme. Son invention des foils courbes marque une véritable révolution architecturale : un concept désormais omniprésent sur les multicoques de course modernes.
Architecte aussi à l’aise dans la conception de catamarans de croisière de grande série que de petits trimarans à foils ou de monocoques pour amateurs éclairés, il cultive une curiosité insatiable et une volonté constante d’innovation. Toujours en quête de nouvelles idées et d’évolutions techniques, ses plans ont conquis une reconnaissance internationale, et font référence dans le monde de l’architecture navale contemporaine.
Newick Dick
Surnommé le sorcier, Dick Newick est l’un des grands pionniers des trimarans modernes. Architecte, constructeur et navigateur, il a largement contribué à l’évolution de cette architecture navale. Ses trimarans se reconnaissent facilement grâce à leurs flotteurs bananés aux sections en V, caractéristiques qui traversent les générations tout en évoluant, sans jamais perdre l’esprit Newick.
Sa philosophie, résumée par l’adage « Less is more », privilégie la simplicité et la rusticité, garantissant des bateaux de course-croisière à la fois rapides et dotés de « juste ce qu’il faut de confort ». Les versions dites wing remplacent les bras de liaison traditionnels par une aile, augmentant ainsi le volume intérieur tout en offrant une esthétique unique et reconnaissable.
Au fil du temps, les sections en V très prononcées des premiers modèles ont laissé place à des formes de plus en plus arrondies, parfois asymétriques, avec des flotteurs épisodiquement équipés de foils, témoignant de l’adaptation constante de Newick aux innovations techniques tout en restant fidèle à ses principes fondamentaux.
Ollier Gilles
Pionnier de « l’architecture mathématique », Gilles Ollier conçoit ses propres logiciels pour dessiner des bateaux aux lignes d’une précision inégalée, à une époque où ses confrères travaillent encore à la traditionnelle table à dessin. Dès ses débuts, il est convaincu que l’informatique représente l’avenir de l’architecture navale.
Ne trouvant aucun chantier capable de répondre à ses exigences de rigueur et de qualité, il décide de prendre les choses en main en lançant la construction de ses propres plans, garantissant ainsi un suivi minutieux et une parfaite application de ses préconisations. C’est ainsi que naît le chantier Multiplast.
Visionnaire, Gilles Ollier devance son temps tant par l’utilisation innovante des matériaux que par la qualité de construction et l’intégration de l’ordinateur dans le processus de conception. Toutefois, il reste attaché à une conception générale marquée par la simplicité et la rusticité, avec une prédilection pour les catamarans.
VP-LP
Derrière ces initiales se cachent deux figures indissociables, liées aussi étroitement que les coques des multicoques qu’ils conçoivent : Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot-Prévost. Leur rencontre au Southampton College marque le début d’une collaboration fructueuse. Depuis leur premier dessin — un foiler de 50 pieds baptisé Gérard Lambert — ces deux complices ont su exceller dans des domaines très variés, allant des trimarans ultra-rapides qui font le tour du monde, aux catamarans de croisière confortables, sans négliger les monocoques.
Pour mieux structurer leur cabinet d’architecture et répondre aux attentes diversifiées de leurs clients, ils ont organisé leur activité autour de trois pôles de compétences distincts :
- Catamarans à voile de série, parmi les plus vendus au monde
- Catamarans de luxe sur mesure à voile
- Monocoques et multicoques de course à voile, reconnus comme les plus rapides au monde
Wharram James
Incontournable et atypique, James Wharram est également un pionnier du multicoque.
Chez J. Wharram, acheter un plan de bateau, c’est avant tout adopter une philosophie. Architecte, constructeur et navigateur, il connaît intimement les besoins et les défis des utilisateurs de ses catamarans, et conçoit ses plans en proposant des solutions pragmatiques. Ses réalisations s’opposent aux standards actuels : liaisons de coques souples, intérieur minimaliste, simplicité radicale.
Pour James Wharram, « less is more » : ses bateaux sont pensés pour être construits rapidement et à faible coût par des amateurs, sans nécessité d’outils spéciaux. Ses coques en planches de contreplaqué stratifiées à l’époxy, aux formes en V, assurent un passage doux dans le clapot tout en éliminant le besoin de dérives ou d’ailerons.
Fait étonnant, aucun catamaran Wharram ne semble s’être retourné. Serait-ce la philosophie prudente de ses navigateurs, ou le fruit d’un choix architectural particulièrement réussi ?
Wood Richard
Sans doute l’un des architectes de multicoques les plus prolifiques, Richard Woods se distingue par des dessins qui s’éloignent des catamarans traditionnels de son pays d’origine, le Royaume-Uni. Il privilégie avant tout la vitesse plutôt que le confort.
Ses bateaux sont conçus pour être simples à utiliser, à fabriquer et à entretenir, reflétant une approche pragmatique et fonctionnelle. Mais Richard Woods n’est pas seulement architecte : il construit lui-même une partie de ses bateaux et navigue régulièrement à leur bord.
Parmi ses exploits, il a réalisé un tour du monde en couple à bord d’un Eclipse 35, un multicoque de tout juste plus de 10 mètres, démontrant ainsi la fiabilité et la performance de ses créations.
Commentaires
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- 1. Athanatos Le 24/09/2022
Bonjour, je découvre le forum et la je me pose la question il y’a t’il une raison pour que Jim Braun l’architecte des Searunner et autres n’y est pas . Je vous assure que ces plans sont exceptionnels quand au bonhomme c’est une autre histoire. -
- 2. Administrateur Le 10/10/2022
Bonjour,
Merci pour ce commentaire.
Jim Brown a travaillé avec John Marples pour les Searunner. Ces bateaux sont en effet des bateaux intéressants mais peu nombreux sur le territoire français. La liste n'étant pas exhaustif, il fallait faire des choix.
https://www.searunner.com/index.php
Alexandre
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